Wednesday 12 January 2011

«Le pur instant»

«Ressusciter», Christian Bobin, Éditions Gallimard, 2003

 
«Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir». C'est avec cette affirmation grave légèrement posée sur le mystère de nos vies, que Christian Bobin poursuit sa quête de lumière et de vérité, nous prenant à témoin de ses avancées et de ses déceptions. Disons-le tout suite, Christian Bobin n'est pas un auteur facile. Son style, en apparence léger et presque buissonnier est trompeur. Le propos, lui ne l'est pas. Ressusciter? Le mot n'est pas choisi au hasard. Ressusciter, mais après quelle mort? La mort de qui, de quoi? Là, j'ouvre une parenthèse, pour dissiper un éventuel malentendu. Lire et aimer Christian Bobin est possible, même si: 1/ Vous n'êtes pas croyant 2/ Vous n'avez pas non plus un cœur d'artichaut.



Mais revenons à cette mort, mais surtout à cette résurrection dont on espère qu'elle peut à tout moment advenir. Davantage recueil de pensées, de brèves incursions vers plus de lumière, que véritable livre, «Ressusciter», publié en 2003, prend le pouls de notre monde via celui de Christian Bobin. Il y a d'abord la mort du père frappé d'Alzheimer, «Il y a parfois entre deux personnes un lien si profond qu'il continue à vivre même quand l'un des deux ne sait plus le voir» (p.25), sans doute pas aimé autant qu'on l'aurait voulu. Puis, vraisemblablement celle des liens superficiels avec l'Église, «Dieu ne se tient pas dans la maison du maître. Il s'abrite dans cette cabane faite de planches assez mal ajustées pour que l'aile d'une lumière s'y faufile» (p.67). Enfin, et la liste est décidément trop longue pour la dresser dans aucun livre, toutes ces petites morts qui viennent successivement grignoter le tissu même de la vie. Dans ces conditions, que pouvons-nous faire? 






Christian Bobin croit à l'attention. Il croit à la vie, à la vraie rencontre avec l'autre, bref à tout ce qui vaut la peine d'être préservé et célébré. Célébré? Oui, mais pas question ici de religion, ni même de référence à une quelconque école de pensée. Si sagesse il y a, c'est un fruit né de la patience et de la gratitude devant la vie et les êtres aimés, vivants ou morts. Donc, prendre son temps et croire au silence et à sa lumière «J'aurais aimé passer ma vie à ne pas dire un mot ou bien juste les mots nécessaires à la venue de l'amour et de la clarté, très peu de mots en vérité, beaucoup moins que de feuilles sur les branches du tilleul» (p.37). Ensuite, rendre grâce à tout ce qui se trouve sur notre route, et ne pas faire le tri dans ce qui vient, car tout est une parcelle du tout. Et c'est à ce tout, à cette vie, que Christian Bobin rend hommage «Ce n'est pas sa beauté, sa force et son esprit que j'aime chez une personne, mais l'intelligence du lien qu'elle a su nouer avec la vie» (p.113).



Parvenu au terme de ces 163 pages, lumineuses souvent, agaçantes parfois – Christian Bobin a en effet la fâcheuse manie de se croire mieux que le reste du monde, probablement du fait de son isolement – le lecteur est en droit de se demander si, plutôt que de résurrection, il s'agirait avant tout d'éviter de mourir. Alors, la vie, la mort, l'amour? Et si tout se jouait dans le pur instant? Car, «C'est dans la lumière de cette heure-là, qu'elle soit déjà venue ou non, que nous devrions tous nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble» (p.20).

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